21 juin 1913,

            Comme à son habitude, le garde MENESSIER des Maisons Blanches s’est levé à l’aurore. Son épouse s’est empressée de traire la vache normande qui paît dans le terrain de la maison forestière, François a vite avalé son bol de lait dans lequel il a trempé un croûton de pain. Aussitôt l’uniforme enfilé, il prend soin aujourd’hui de le brosser pour paraître impeccable, et le képi vissé sur la tête il commence sa tournée matinale par le canton du Clos Saint Antoine, puis de l’Homme mort, de la Lande jusqu’au canton de la mare Ricouard. Rien à signaler. Il redescend d’un pas hésitant vers la cabane Théophile, démarche inhabituelle pour ce forestier qui arpente quotidiennement ces lieux depuis 1907.

            Il perçoit rapidement des voix, celle de son brigadier, Anthime CANAQUE et de ses collègues de la brigade. Ces hommes ont l’habitude de se retrouver à cette cabane de cantonnier pour des réunions avec le garde général, l’inspecteur, pour des revues d’armes.

A peine les échanges de poignées de main terminées, les forestiers lyonsais perçoivent un vrombissement d’automobile en direction des Bordins, puis aperçoivent enfin les teufs-teufs surgir de la brume matinale. A la vue des hommes en uniforme, le cortège ralenti puis s’arrête : le congrès forestier international est arrivé en forêt domaniale de Lyons. Passées les salutations d’usage, il faut vite reprendre la route vers Lyons-la-Forêt qui n’est plus qu’à quatre kilomètres. L’arrêt est prévu près de la Halle. Aussitôt les moteurs coupés, les habitants et les « touristes » présents se rapprochent faisant grossir la foule tel les jours de marché. Il faut dire que ces personnes à la tenue inhabituelle suscitent la curiosité.

            Sans perdre de temps, Ernest PINTIAU, inspecteur des Eaux et Forêts en poste à Lyons, membre du Touring Club de France, association organisatrice du congrès, conduit les congressistes rue de l’hôtel de ville où le premier magistrat et son conseil municipal, le comité d’initiative du centre de tourisme les attendent. C’est aussi un honneur pour la municipalité de Lyons de recevoir les forestiers étrangers, comme ce fut déjà le cas en juillet 1894 avec les élèves de l’école forestière britannique de Cooper-Hills. Emu, le maire Mr BOUILLON prononce quelques mots puis fait signer les différentes délégations présentes : les Pays-Bas, le Danemark, les Etats-Unis, la Roumanie, le Portugal, le Japon… au total près de 25 nations, 150 participants sont présents pour cette excursion mémorable.

Mais la sortie vise à faire découvrir au monde entier ce monument végétal exceptionnel qu’est la futaie cathédrale de Lyons. C’est au canton du Câtelier qu’Ernest PINTIAU va conduire ses hôtes d’un jour, plus précisément à la réserve artistique, parcelle de futaie de deux cent ans très dense et remarquable par la taille de ses arbres, contemporains du Hêtre de la Bunodière.

            André WALLE, garde à Beauvoir en Lyons a rejoint le cortège ainsi que quelques autres collègues du cantonnement de La Feuillie, fiers d’être présents au côté du garde général de La Feuillie, monsieur LADAM. La journée se poursuivra par un déjeuner champêtre sous les grandes frondaisons, ponctuée de fanfares de cors de chasse, de toasts à l’honneur des forestiers et des participants de cette excursion.

            Le congrès se poursuivra ensuite par une tournée de cinq jours dans le massif des Chartreuses. Un an plus tard, jour pour jour, le premier conflit mondial débutait.